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Gestion d’interventions : comment assurer la reprise du travail des techniciens itinérants à l’heure du Covid-19 (1/2)
Depuis le 11 mai 2020, le déconfinement apparaît comme l’opportunité d’une reprise d’activité économique jusque-là en veille. Toutefois, l’état d’urgence sanitaire étant toujours en vigueur, prévenir la propagation du Covid-19 reste le mot d’ordre. Si la mise en place de mesures de prévention dans les locaux des entreprises n’est pas chose aisée face aux différentes contraintes logistiques, qu’en est-il de ces mesures pour les salariés qui n’ont pas de lieu de travail fixe, et notamment les techniciens itinérants ? Quelles sont les obligations d’un employeur à l’égard de ses salariés ? Et quels sont les risques encourus par l’employeur en cas de contamination de ses salariés sur le lieu de travail ? Nous avons demandé à l’équipe du cabinet Pardalis Avocats de nous donner leur éclairage sur ce sujet très sensible. Voici donc les règles à suivre pour assurer une reprise du travail des techniciens itinérants dans de bonnes conditions, à l’heure du Covid-19.
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Qu’est-ce l’obligation de sécurité incombant à l’employeur ?
Une obligation d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés
Une question revient sans cesse avec le déconfinement : comment assurer aux salariés des conditions de travail répondant aux exigences de sécurité sanitaire et à qui revient cette délicate mission ? Et cette question touche particulièrement les entreprises de service disposant d’équipes de techniciens intervenant sur le terrain. Tous les employeurs de droit privé sont tenus de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». (article L.4121.1 et suivants du code du travail). Celles-ci bénéficient à l’ensemble des salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, ainsi qu’aux intérimaires et aux stagiaires. Ces mesures comprennent :
- Des actions de prévention des risques professionnels,
- Des actions d’information et de formation ;
- La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Après avoir évalué les risques auxquels sont confrontés ses salariés, l’employeur doit prendre des mesures en tenant compte d’un certain nombre de paramètres tels que la nature de l’activité, ou encore la vulnérabilité de ses salariés afin d’éviter la réalisation de ces risques.
La nécessaire mise à jour du DUER
L’employeur est tenu de rédiger un Document Unique d’Evaluation des Risques professionnels (DUER), qui a pour objet de présenter les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des salariés de l’entreprise. Ce document doit comprendre un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’établissement et ainsi, définir un plan d’action face aux risques identifiés. Une fois rédigé, le DUER doit être porté à la connaissance des salariés selon des modalités adaptées afin de permettre sa pleine application. Le DUER doit être actualisé chaque année pour tenir compte des changements de circonstances. Il est donc impératif que l’employeur révise ce document dans le contexte actuel de l’épidémie ! Le DUER est d’ailleurs au cœur de l’obligation de sécurité de l’employeur comme en atteste les récentes décisions de justice. Les sociétés Amazon ou encore La Poste ont été condamnées pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en raison de l’insuffisance des mesures prévues par le DUER, notamment parce que l’employeur n’avait pas pris en compte les risques psychosociaux liés à la pandémie de Covid-19 , ou encore n’avait pas mis à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels se limitant à la diffusion d’un document de « questions-réponses », rappelant les recommandations gouvernementales, ainsi qu’un document annexe listant certains risques. Indépendamment du risque de sanction civile, l’employeur peut également s’exposer à des sanctions pénales si le DUER n’est pas à jour, en particulier une amende de 7 500 euros pour la personne morale. En conséquence, face à l’actuelle pandémie de Covid-19, l’obligation de sécurité de l’employeur est mise à rude épreuve, nécessitant une vigilance accrue de l’évolution du virus afin d’adapter les mesures de prévention, informer et former les salariés.
Quelles sont les mesures de prévention et de sécurité préconisées pour les techniciens itinérants face au Covid-19 ?
Face au Covid-19, le devoir de prévention de l’employeur est à son comble. Comment l’employeur peut-il protéger correctement ses salariés contre les risques spécifiques liés au virus, notamment les salariés en contact avec le public, lorsque le « risque zéro » n’existe pas ? Le ministère du travail a récemment diffusé un protocole national de déconfinement pour aider et accompagner les entreprises du secteur privé, quelles que soient leur taille, leur activité et leur situation géographique, à reprendre leur activité tout en assurant la protection de la santé de leurs salariés. Ce protocole vient en complément des guides métiers disponibles sur le site du ministère du travail (ex : prestataire d’entretien de locaux, agent de maintenance, dépanneur, plombier, etc.), élaborés en partenariat avec les fédérations professionnelles et les partenaires sociaux.
L’employeur est-il contraint de respecter les mesures préconisées par ces textes ?
Si ces textes n’ont pas de valeur normative au sens strict, ils ont le mérite de présenter un référentiel commun à charge pour l’employeur en fonction des spécificités propres à l’entreprise, de les compléter ou d’adopter des mesures différentes. Ainsi, l’employeur mettra toutes les chances de son côté en adoptant les mesures préconisées dans les guides métiers, conçus par les instances professionnelles et ministérielles dans l’hypothèse où sa responsabilité viendrait à être engagée pour manquement à son obligation de sécurité.
Quelles sont les mesures de protection à adopter pour les techniciens itinérants compte tenu du changement régulier de leur lieu de travail ?
Les principes énoncés par le protocole et les fiches métiers sont ceux rappelés quotidiennement par les pouvoirs publics, à savoir les mesures barrières et de distanciation sociale. Ce socle du déconfinement s’applique à toute la population et les travailleurs. Pour beaucoup de techniciens itinérants, la nature de leur mission – maintenance, dépannage, etc.- ne permet pas la mise en place du télétravail. Dès lors, il est important que l’employeur puisse protéger ses salariés tant au sein de l’entreprise que chez les clients dans le cadre de leurs interventions. Par ailleurs, compte tenu de la vulnérabilité de certains salariés, l’employeur devra adapter certains postes et prendre des mesures de protection plus exigeantes pour que les salariés puissent exercer leur métier. Pour ce faire, il convient de se rapprocher l’Agefip (fond de développement destiné à accroître les moyens de l’insertion professionnelle et du maintien dans l’emploi des personnes handicapées dans le secteur privé), qui propose d’accompagner les entreprises face à la crise du coronavirus notamment par l’octroi d’aides financières .
La protection des techniciens itinérants au sein de l’entreprise : les mesures organisationnelles à adopter
Pour avoir un panorama exhaustif des mesures préconisées, il est conseillé de se référer au protocole de déconfinement ainsi qu’à la fiche « Gestion des locaux communs et vestiaires » diffusés par le ministère du travail :
On peut retenir que les lieux de rassemblement, c’est-à-dire les zones de travail et les lieux sociaux (toilettes, cantine, vestiaire, machine à café etc.) doivent faire l’objet d’une attention particulière, par exemple :
- Gérer les flux en limitant le nombre de personnes simultanément présentes dans un même espace afin de respect la jauge maximale d’une personne pour 4m2 ;
- Aménager les horaires de travail, prévoir un sens de circulation que ce soit pour faciliter les trajets domicile-travail, éviter les heures de pointe dans les transports en commun ou éviter que des équipes ou des salariés ne se croisent ;
- Prévoir des équipements de travail individuel ;
- Interdire temporairement certains accès ne permettant pas de mettre en place la distanciation sociale.
Pour les vestiaires ou encore les douches professionnelles, qui sont des zones exiguës et partagées, outre un nettoyage renforcé, des règles d’utilisation devront être édictées (planning d’utilisation, roulement, nombre maximum de salariés présents en même temps…). De plus, lorsque l’évaluation du risque montre qu’il est impossible de mettre efficacement en œuvre la distanciation sociale (coactivité, proximité nécessaire… ou milieu ambiant à risque élevé de contamination en milieu de soin par exemple), l’usage de masques de protection doit être privilégié. Ainsi, l’employeur devra fournir un masque à ses frais dès lors que « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (Article 4122-2 du code du travail).
La protection des techniciens itinérants en intervention chez le client :
Afin d’avoir un panorama exhaustif des mesures préconisées, il convient de se reporter aux fiches métiers en vigueur, par exemple dans les domaines suivants :
- Prestataire d’entretien locaux
- Agent de maintenance
- Installateur sanitaire
- Dépannage et intervention à domicile
D’une façon générale, il appartient à l’employeur de prévoir des mesures de protection des techniciens itinérants, avant, pendant, et après l’intervention, afin de limiter les risques de contamination :
- Avant l’intervention, les mesures ont vocation à organiser les interventions : identifier les missions à risques, urgentes, non urgentes, demander si le client est à risque, informer le client des consignes de sécurité à respecter etc.
- Pendant l’intervention, les mesures ont vocation à établir les consignes que doit respecter le technicien itinérant afin de garantir sa sécurité, telles que le port du masque, de gants, de combinaison, nettoyer le matériel utilisé etc.
- Après l’intervention, les mesures concernent toutes les consignes de sécurité sanitaire que doit prendre le technicien avant de pénétrer dans le véhicule, notamment pour se protéger mais également protéger les autres utilisateurs éventuels, par exemple en nettoyant ses outils de travail, l’intérieur du véhicule, etc.
L’ensemble de ces mesures a vocation à assurer la sécurité des techniciens itinérants. Toutefois ces dispositifs de prévention sont présentés à titre indicatif. L’employeur peut à sa convenance prendre d’autres mesures afin d’assurer la santé de ses techniciens.
La formation des techniciens aux mesures de prévention mises en place
L’obligation de sécurité de l’employeur s’illustre également à travers la formation de ses salariés. Ainsi, pour que les mesures de sanitaires prises par l’employeur soient effectives, il faut informer le salarié du motif de ces mesures, mais aussi lui expliquer comment celles-ci doivent être mises en œuvre. En conséquence, il est impératif avant que les salariés reprennent leur poste, de mettre en place une formation pratique et non seulement théorique, comme en a fait les frais la société Renault à qui il a été reproché de ne pas avoir assuré à ses salariés une formation pratique adaptée. En définitive, l’employeur doit garder en tête ce triptyque « évaluer, informer et former » afin de satisfaire son obligation de sécurité.
La nécessaire consultation des organes représentatifs du personnel
Avant de mettre en œuvre les mesures de prévention, il est impératif pour l’employeur de consulter le Comité social et économique (CSE) et/ou la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSST). Les tribunaux s’attachent tout particulièrement à cette démarche consultative. D’ailleurs, la société Renault, s’est vu contrainte de reprendre la procédure de consultation de son CSE afin d’associer les élus à l’actualisation du DUER .
Quelles sont les risques encourus par l’employeur en cas de manquement à son obligation de sécurité des salariés ?
Sur le plan civil : la reconnaissance d’un risque professionnel et la faute inexcusable de l’employeur
La question de la reconnaissance du Covid 19 comme un risque professionnel va se poser dans les mois à venir. C’est essentiellement sous l’angle de l’accident du travail que la question pourrait être amenée à se poser (sauf à ce que le Covid 19 soit reconnu à titre de maladie professionnelle dans certains secteurs d’activités), s’il est possible d’identifier l’événement à l’origine de la contamination, par exemple un contact prolongé avec un collègue, l’employeur, un client, à l’occasion d’un rendez-vous, d’un entretien… L’employeur pourrait également voir sa responsabilité civile engagée, au titre de sa « faute inexcusable » s’il apparaît qu’il avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. La preuve de cette double condition pèse sur le salarié victime. Or, toute la difficulté dans le cadre de la pandémie du Covid-19 sera d’apporter la preuve de la faute de l’employeur. Dans un tel cas on imagine qu’il appartiendra au juge saisi, au cas par cas, d’apprécier la qualité des mesures prises par l’employeur, et retenir sa faute inexcusable lorsque les mesures mises en place étaient insuffisantes. C’est précisément dans de telles circonstances, que la référence aux normes édictées par le ministère du Travail et en particulier aux fiches métiers pourra se révéler protectrice pour l’employeur.
Sur le plan pénal : les manquements aux règles d’hygiène et de sécurité prévues dans le Code du travail et les atteintes involontaires à l’intégrité physique du salarié
Entrant dans la deuxième phase du déconfinement, la reprise du travail des salariés suscite des interrogations sur la responsabilité pénale des employeurs en cas de contamination ou de décès de leurs salariés lié au coronavirus. Autant dire qu’il est, à ce jour, impossible de dresser un panorama exhaustif de l’ensemble des risques et des chefs d’engagement de la responsabilité pénale de l’employeur liés aux obligations qui pèsent sur lui dans le contexte de la crise sanitaire. Si aucun délit spécifique n’existe dans le cadre de la contamination de Covid-19, il n’en demeure pas moins qu’il existe des dispositifs légaux au sein du Code du travail et du Code pénal sur la base desquels des poursuites pourraient être fondées. Par exemple, est sanctionné par une amende de 3.750 euros (l’amende étant appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs de l’entreprise concernés, indépendamment du nombre d’infractions relevées dans le procès-verbal de l’inspection du travail), le manquement aux règles d’hygiène et de sécurité prévues par le code du travail et en particulier :
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L’absence de conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des travailleurs (art. L. 4221-1 du code du travail) ;
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L’absence de mise à disposition des salariés d’équipements appropriés au travail à réaliser (art. L. 4321-1 du code du travail).
D’un point de vue strictement pénal, plusieurs entreprises ont fait l’objet de plaintes déposées par des salariés, ou des organisations syndicales, estimant que la sécurité et la protection des travailleurs n’étaient pas garanties, les poursuites pouvant par exemple se fonder sur les délits suivants :
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Le délit de mise en danger de la vie d’autrui consistant en la violation manifeste d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, entrainant un risque de mort ou de blessure. Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende (Code pénal, art.223-1). A titre d’exemple, un employeur a été condamné pénalement pour délit de mise en danger de la vie d’autrui pour avoir exposé ses salariés à des poussières d’amiante, sans avoir mis en œuvre les moyens de protection nécessaires.
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Le délit d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne ayant causé une incapacité totale de travailler (ITT), qui selon la gravité (ITT de plus ou moins de 3 mois), fait encourir à son auteur une peine de 1 à 3 ans d’emprisonnement et 15.000 à 45.000 € d’amende (Code pénal., art.222-19 et suivants).
Dans la catégorie des infractions liées à l’atteinte involontaire à l’intégrité physique des personnes, l’homicide involontaire constitué par une « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » pourrait dans certains cas pouvoir être invoquée (article L221-6 du Code pénal). Néanmoins, quelle que soit l’infraction poursuivie, il appartiendra a minima au salarié d’établir d’une part, que les mesures prises par l’employeur sont inadaptées et que l’employeur a, de façon délibérée, violé ses obligations en matière de sécurité et d’autre part, que le salarié a contracté le virus sur son lieu de travail. La santé et la sécurité au travail sont une affaire collective. Les entreprises sont tenues de prendre des mesures de prévention pour éviter la contamination de leurs collaborateurs et faire en sorte que l’entreprise ne devienne pas un outil de transmission et de propagation de l’épidémie. Les salariés à qui il incombe « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail » doivent pour leur part appliquer et respecter les mesures individuelles et organisationnelles , sous réserve que celles-ci ne portent pas atteinte à leur vie privée.
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